Imaginons qu’un matin, depuis la terrasse d’un café de la Vieille‑Ville, vous leviez les yeux vers le ciel limpide des Pyrénées en songeant : « Et si je faisais de ces montagnes mon horizon quotidien ? » Sitôt cette décision arrêtée, deux sentiers s’ouvrent devant vous, chacun répondant à une manière différente de vivre.
Le sentier paisible : la résidence passive
C’est la route choisie par celles et ceux qui désirent savourer les jours sans autre impératif que celui d’exister. L’administration andorrane, prudente gardienne de son équilibre, demande alors la preuve d’une aisance financière : un investissement total de 600 000 €, dont 47 500 € confiés, comme gage de bonne foi, à l’Autorité financière andorrane. Il ne s’agit pas d’un tribut perdu ; cet argent vous sera restitué si un jour vous reprenez la route.
À cette somme s’ajoute la démonstration d’un revenu régulier venu d’ailleurs, loyers d’un immeuble à Barcelone, dividendes d’une société en Suisse, pension méritée après un long parcours professionnel.
Vous constituez votre dossier : passeport, extrait de casier judiciaire vierge, relevés bancaires, preuve de l’assurance santé et contrat de location d’un appartement à Ordino, peut‑être, où les clochers romains côtoient les pins noirs.
Lorsque votre chemise cartonnée franchit la porte du Departament d’Immigració, il ne reste qu’à régler des frais modestes, puis à laisser s’écouler une ou deux lunes. Le jour de l’acceptation venu, vous graverez votre nom dans le registre communal, l’empadronament, et vous n’aurez plus qu’à respecter une promesse légère : passer au moins quatre‑vingt‑dix jours par an en Principauté, pour sentir la neige craquer sous vos bottes ou la forêt exhaler la résine en été.
Le sentier actif : la résidence de travail
Peut‑être, pourtant, brûlez vous d’entreprendre ; les vallées andorranes fourmillent de jeunes pousses numériques, de boutiques fines, de "family offices" avisés. Vous opterez alors pour la résidence active. Là encore, une clé est glissée dans votre main : un dépôt de 50 000 € auprès de l’AFA, simple caution sur votre sérieux.
Dans votre valise administrative : un contrat de travail signé avec une banque de la plaça Rebés ou les statuts qui prouvent que vous possédez au moins 20 % d’une société locale. L’État souhaite aussi s’assurer que votre rémunération, 3 250 € nets mensuels ou plus, pour vous permette de vivre dignement. Vous subissez l’habituelle visite médicale, présentez votre police d’assurance, puis laissez les rouages administratifs tourner ; deux ou trois mois plus tard, un carton plastifié vous est remis. Il vous autorise à rester cent quatre‑vingt‑trois jours ou davantage, à diriger vos équipes, à saluer chaque matin la silhouette acérée du Pic de Casamanya.
Ainsi s’achève la première étape : l’un ou l’autre de ces visas apposé sur votre passeport vous ouvre les portes d’une vie où les chiffres d’affaires côtoient les sommets enneigés.
Ici, la précipitation n’a pas droit de cité ; l’Andorre n’accorde son passeport qu’à ceux qui, patiemment, tissent des liens serrés avec elle.
La voie longue de la naturalisation
Vingt hivers et vingt étés, voilà la durée requise pour qui n’a pas grandi sur les bancs des écoles andorranes. Ceux qui, enfants, auront récité leur alphabet en catalan et gravi en excursion la vallée du Madriu ne devront compter « que » dix années. Durant ce pèlerinage, vous aurez appris la langue, intégré les coutumes, peut‑être chanté des goigs lors d’une fête patronale. Vous renoncerez, le moment venu, à vos anciennes allégeances nationales, Andorre bannit la double citoyenneté, et présenterez un casier judiciaire sans ombre.
Votre dossier, enrichi d’attestations de présence, de lettres de clubs sportifs, de diplômes, sera déposé au Ministère de l’Intérieur. Là, une commission vous invitera à un entretien : l’on vérifiera votre catalan, votre connaissance des paroisses et des usages. Puis, entre douze et dix‑huit mois plus tard, on vous appellera pour vous remettre le passeport frappé des armes tricolores ; et l’hymne « El Gran Carlemany » résonnera alors différemment à vos oreilles.
Les raccourcis de la filiation ou du mariage
Bien sûr, il existe des chemins plus rapides : naître d’un parent andorran, ou bien d’étrangers installés depuis dix ans ; s’unir par le mariage et partager trois ans de quotidien sous le même toit. Mais tous, qu’ils aient couru ou marché, finissent par rejoindre la même ligne d’arrivée : un serment de fidélité à cette petite nation des cimes.
De la première signature chez le notaire à la dernière strophe de l’hymne national, le voyage vers l’identité andorrane est un pacte : la Principauté offre sa stabilité fiscale, sa sécurité et son environnement intact ; en retour, elle exige constance, probité et engagement. Ceux qui acceptent cet échange s’installent alors dans un pays où l’innovation se mêle à la pierre romane, où les bilans comptables se vérifient à l’ombre des mélèzes, et où l’on mesure la réussite à la fois en dividendes et en mètres de dénivelé avalés le week‑end.
Crédit texte et photo @evolva